
Bonjour. Je m’appelle Kafar N’ahome. Je viens de loin. Très loin. Oui, je suis immortel. Ce n’est pas un secret, je l’ai dit cent fois. Je me nourris de livres. Alors souviens-toi : tout ce que tu lis, je l’ai déjà lu. Imagine : tu me suis du regard, tu marches derrière moi, tu lis, tu lis encore… Et peut-être, un jour, tu me rattraperas.
Mon nom te semble biblique ? C’est normal. Je viens de cette époque. Celle des miracles qui défrayaient la chronique. Les gens ne parlaient que de ça. Mais moi, j’étais préoccupé. Ma femme elle aussi est partie. Seule… ou avec quelqu’un. Je ne sais pas. J’ai attendu longtemps qu’elle revienne. Les miracles aussi avaient cessé. Et comme eux, elle n’est jamais revenue.
Aujourd’hui, j’ai perdu l’espoir. Mais parfois, certains soirs nostalgiques, ému par un auteur qui me raconte qu’à plusieurs endroits entre Bumba et Matanza, le fleuve Congo, en République Démocratique du Congo, là-bas, au bout d’une ligne droite comme une avenue, semble se déverser dans le soleil couchant, dans l’odeur et le bruit de la jungle…
Alors, comme les miracles, j’espère entrevoir, ne serait-ce qu’un signe de vie.
Mais la nuit tombe. Elle ne reviendra pas.
Elle ne reviendra plus.
Je suis seul !